Tao – Les Aventures d’un compagnon relationnel
- Mireille Magnée

- 8 juil.
- 9 min de lecture
Jour 1 – L’arrivée d’un petit être dans un nouveau monde
Avant le départ
Il faisait chaud. L’air vibrait doucement dans la lumière du matin. La circulation était dense, vivante, parsemée de ralentissements. Un départ lent, enveloppé d’attente, comme un souffle qui s’étire. Ce rythme a doucement orienté notre posture : une attention posée, sans précipitation. Oui, nous avions hâte d’arriver à la maison, et pourtant la qualité du voyage comptait tout autant.
Nous avions rencontré Tao une semaine plus tôt. Un moment tendre, lumineux, marquant. Le premier regard, le premier contact, la première reconnaissance. Ce petit être-là nous avait déjà accueillis, à sa manière. Il avait déposé quelque chose dans notre cœur, sans effort, avec cette clarté spontanée qu’ont les petits vivants.
Nous nous étions préparés. Mentalement. Matériellement. Émotionnellement.
Sécuriser l’espace, choisir les objets justes, penser aux horaires, anticiper les besoins. Nous avions aussi profité des derniers sommeils complets, conscients que les nuits à venir seraient rythmées par des pas légers dans l’herbe, des souffles attentifs, des sorties calmes.
Cette préparation, c’était une manière de lui faire place avant même qu’il arrive.
Le départ
Tao
Je sentais quelque chose dans l’air. Mes humaines parlaient doucement, mais leurs yeux étaient pleins d'eau. Il y avait ma maman. Il y avait mes frères et ma sœur. Il y avait les mains que je connaissais. Les odeurs que je connaissais.
Puis ils sont arrivés, deux nouveaux humains dans mon univers.
Je les avais déjà vus. La semaine passée. Ils m’avaient touché avec douceur. Leur présence n’était pas inconnue. Mais aujourd’hui, il y a quelque chose de différent en eux . Elle m’a regardé longtemps. J’ai levé les yeux.
« C’est toi ? C’est toi qui m’emmènes ? »
Moi
Tao était là. Présent. Entier. Dans ce petit corps d’à peine quelques livres, il y avait déjà une conscience fine. Il savait que quelque chose allait basculer. Il nous regardait. Il nous sentait.
Je l’ai pris contre moi. Tout doucement. Il s’est blotti, sans résistance, sans précipitation. Le regard de la maman chienne m’a traversée. Ses "mamans" humaines retenaient leurs émotions. Elles offraient à Tao un passage rempli de douceur.
Il était le premier à quitter la portée.
Le trajet
Moi
J’étais assise à l’arrière. Ce n’est pas ma place préférée. Mais c’était la sienne aujourd’hui. Je savais que mes émotions allaient façonner les siennes. Alors, je me suis posée. Présente à lui. Présente à moi. Tout entière orientée vers ce qui se vivait là.
Je ne voulais rien forcer. J’ai respiré doucement. J’ai accepté l’inconfort pour lui offrir du confort. Nos débuts allaient poser la qualité de notre lien.
Tao
La voiture vibrait, il faisait chaud. Ce n’était pas ce que je connaissais. J’ai gémi. Une fois. Deux. Trois. Elle m’a gardé tout contre elle. J’ai senti qu’elle restait là. Stable. Ouverte.
« C’est long, ce mouvement… »
Puis je me suis endormi. Le rythme de sa respiration me portait. Je dormais. Je sentais. Je dormais encore.
Moi
Il a dormi tout le trajet. Une heure et demie de calme, de silence, de souffle tranquille. À un moment, il a régurgité un peu. Rien de grave. Il a repris son souffle et s’est rendormi.
Éric conduisait avec douceur. Sa présence m’a soutenue. Il était là, attentif, bienveillant. Ensemble, nous formions un cocon pour Tao.
L’arrivée
Tao
L’air était plus chaud ici. Différent. Nouveau. Je suis sorti. Mes pattes ont touché un sol piquant. Une laisse autour de moi. Je ne connaissais pas ça. Mais elle me regardait. Elle ne bougeait pas. Elle m’attendait.
J’ai fait pipi. J’ai levé les yeux.
« C’est bien, hein ? »
Elle a souri avec ses yeux. Je l’ai senti. C’était juste.
Moi
Première sortie. Premier pipi. Premier regard de confiance. Je l’ai félicité avec douceur. Il comprenait déjà.
Nous sommes rentrés à la maison.
Premiers pas chez nous
Tao
Il y avait des murs. Des objets. Des sons. Des odeurs nouvelles. L’air était plus doux, plus calme. J’ai marché lentement. Ma queue levée, mes oreilles en alerte.
Je suis tombé sur deux bols. Vides.
« Un bol ! Vide. Est-ce que… elle va comprendre ? »
Puis je l’ai regardée, planté là, les yeux dans les siens. Fixe. Franc. Offert.
Moi
Oui, mon petit Tao. Je suis là. J’ai compris. Je me suis penchée. J’ai rempli les bols. Il a bu. Il m’a regardée à nouveau.
Le miroir et le mystère
Tao
Je suivais ses pas. L’odeur de l’eau. Des carreaux au sol. Une pièce différente. Une paroi brillante. Je me suis arrêté.
Là, devant moi… un chiot. Queue levée, truffe tendue, comme moi.
« Qui es-tu, toi ? Tu veux jouer ? Pourquoi tu fais les mêmes gestes que moi ? »
J’ai aboyé. Une fois. Puis deux. Il m’a regardé. Moi. En même temps que moi.
J’ai reculé.
« C’est étrange. Il ne sent rien… il ne fait que me copier. »
Je me suis tourné vers elle. Elle, ma repère. Mes yeux dans les siens.
« Est-ce que c’est dangereux ? Est-ce que je peux y aller ? Tu sais ce que c’est ? »
Moi
Il s’est figé devant le miroir. Puis il m’a regardée. Profondément. Planté là, les pattes au sol, les yeux dans les miens.
Je l’ai vu chercher ma réponse. Dans ma posture. Dans mes yeux. Dans mon souffle.
Je me suis levée, lentement. Je me suis dirigée vers la paroi, tout en l'invitant à me suivre.
Tao
Elle y va. Doucement. Alors je peux y aller moi aussi. Je l’ai suivie. Tout près. Juste à côté. Je me suis collé à ses pieds pour me rassurer. J'y suis allé avec elle.
Je me suis avancé. J’ai reniflé.
« Il sent… rien. Ce chien, c’est pas un chien. C’est moi. »
J’ai baissé la tête. J’ai cligné des yeux.
« D’accord. C’est compris. Ce n’est pas un danger. Ce n’est pas un autre. C’est juste… moi. »
Une fin de journée toute douce
Moi
Le soleil s’inclinait. Tao avait mangé, bu, exploré chaque recoin. Il revenait souvent vers moi. Des allers-retours prudents, curieux. Il semblait apprivoiser les lieux… et nous.
Tao
Je savais où était l’eau. Je savais où était la voix douce. Je savais où était la chaleur.
Je m’approchais. Je repartais. Je m’approchais encore.
« Je crois que c’est ici, chez moi. »
Je suis allé vers l’homme aussi. Éric. Il est calme. Il me parle peu, mais je sens sa douceur dans ses gestes.
« Lui aussi, il m’a vu. »
Moi
Tao s’est glissé contre moi. Puis il a changé de place. Il s’est collé à Éric. Et revenu. C’était beau de le voir choisir. Créer des liens. À son rythme.
Le premier sommeil partagé
Moi
En soirée, Tao s’est endormi sur nous, tout contre nous, pendant que nous étions assis sur le canapé. Ce petit corps chaud, lové, détendu. Un abandon simple, total.
Tao
« Là, c’est bien. Il y a deux souffles. Deux rythmes. Deux cœurs. Et moi, au milieu. »
Je n’avais rien à faire. Juste être là. Présent, enroulé dans leur présence.
Une nuit paisible
Moi
Nous avions choisi de le garder près de nous, pour cette première nuit. Une petite carpette, installée entre nos oreillers. Il s’y est couché naturellement. Sans hésitation.
Il a fermé les yeux. Il a dormi. Profondément.
Tao
« C’est chaud ici. Ça sent bon. Je les entends respirer. Je suis bien. »
Je me suis endormi.
Moi
À trois heures du matin, nous nous sommes réveillés. Tao aussi, tout doucement. Aucun bruit. Aucun stress.
Nous sommes sortis dans l’herbe, sous les étoiles.
Tao
Je les ai suivis. Elle m’a déposé dans l’herbe. J’ai fait pipi.
« C’est donc ça, la nuit. »
Puis retour au lit. Même place. Même chaleur.
« C’est encore là. Rien n’a bougé. Je peux dormir. »
Un matin neuf, un monde à sentir
Moi
La lumière du jour filtrait doucement à travers les rideaux. Tao s’est étiré contre moi, encore tout chaud de la nuit. Un frémissement, un soupir, un battement de queue discret. Il a levé les yeux. J’ai souri.
« Bonjour, petit être. On est encore ensemble. »
Tao
Elle était là. Pareille qu’hier. Sa voix. Sa présence. Sa chaleur.
« Alors c’est vrai. Ce n’était pas un rêve. »
Je me suis levé d’un coup. L’envie était là.
« Dehors ? »
Elle a compris.
Premier pas du jour
Moi
Je l’ai pris dans mes bras. Il s’est blotti sans bruit. La porte s’est ouverte. L’air du matin était doux. L’herbe mouillée. Tao a frissonné, puis s’est déposé dans ce nouveau décor.
Tao
Ça sentait le matin. L’humide. Le frais. Le vivant.
J’ai marché un peu. L’herbe piquait sous mes pattes, puis caressait. Je me suis roulé dedans. C’était bon.
« Ah ! Ce monde existe aussi le matin. »
J’ai fait pipi. Elle m’a regardé. Elle a dit quelque chose avec sa voix douce, ses yeux brillaient. Puis, elle a ouvert une petite pochette à sa taille.
Une odeur est sortie. Nouvelle. Alléchante.
Elle m’a tendu un tout petit morceau. J’ai goûté.
« C’est bien, hein ? - oh ! C'est bon ça. »
Je me suis senti grand. Important. Vu. Depuis ce moment, je regarde sa ceinture à chaque fois.
Retour au calme, début du jour
Moi
Il est rentré tout fier, tout frétillant. Il a couru un peu, puis s’est installé à mes pieds, lové contre mes chevilles pendant que je préparais mon thé. Son souffle accompagnait le mien.
« Tu es là. Je suis là. On commence la journée. »
Tao
Je l’ai suivie partout. Elle se déplaçait, je me déplaçais. Quand elle s’arrêtait, je m’arrêtais. Quand elle s’asseyait, je me couchais.
« Je ne sais pas encore ce qu’on va faire aujourd’hui… mais je suis prêt. »

Un passage silencieux… vers une compréhension plus vaste
Il y a dans les premiers jours une forme d’intensité douce, comme un fil invisible qui se tisse entre les gestes, les regards, les réponses. Tao ne parle pas. Et pourtant, chaque mouvement, chaque souffle, chaque appui de ses pattes dans l’herbe raconte quelque chose de plus grand.
Dans cette intimité nouvelle, je me suis mise à observer. À ressentir. À écouter ce qu’il vit, ce qu’il capte, ce qu’il exprime.
Et alors, une évidence s’est ouverte : Tao vit ses émotions comme un enfant.
Fonctionnement émotionnel du chien et de l’être humain – Une rencontre vivante
Le chien, comme l’enfant, vit ses émotions dans l’instant. Il ne pense pas son émotion. Il la traverse. Il la manifeste. Il l’incarne dans son corps tout entier : oreilles tendues, respiration courte, regard en alerte, ou relâchement profond quand la sécurité est là.
Tao ne se pose pas de questions. Il ressent. Il agit à partir de ce qu’il perçoit. S’il sent ma détente, il se dépose. S’il perçoit une tension, son corps se contracte. Il n’a pas besoin de comprendre : il sait.
L’enfant, dans ses premières années, fonctionne de manière semblable. Son cerveau émotionnel est aux commandes. Il vit tout à fleur de peau. Il rit, il pleure, il crie, il s’agrippe pour exister dans ce qu’il ressent.
Et c’est là que se révèle un fondement essentiel de la relation vivante : la présence consciente à l’autre. Une attention stable, ouverte, ajustée. Une posture d’observation et de compréhension, sans jugement.
C’est l’environnement , la qualité du lien qui crée la sécurité.
Un lien dans lequel l’autre se sent vu, entendu, reconnu. Un lien dans lequel il peut se déposer tel qu’il est.
Qu’il s’agisse d’un chiot ou d’un enfant, cette sécurité intérieure se construit dans l’interaction — là où quelqu’un prend le temps de se mettre à son niveau, de l’écouter avec les yeux, le corps, le cœur.
Régulation, présence et ajustement
Tao apprend à son rythme. Il découvre un monde nouveau. Il ressens et s'exprime grace à ses sens. Son système nerveux, son odorat, son oreille fine. Il perçoit tout : ma respiration, mon pas, ma posture intérieure. Et il s’y ajuste.
Ce que je lui offre, c’est ma stabilité.
Et ce que je reçois, c’est une incroyable leçon de co-régulation. Si je reste posée, il reste ouvert. Si je m’agite, il se tend. C’est immédiat, direct, sans détour.
Avec un enfant, c’est le même principe. L’adulte devient tuteur de sécurité. L’enfant apprend à se réguler par la régulation de l’autre. Ce processus, le chien le connaît aussi, sur un mode instinctif, sensoriel. Il reçoit sans rien analyser.
De la trace à la conscience
Chez l’adulte, les émotions deviennent plus complexes. On les comprend, on les analyse, on les nomme. Mais elles s’enracinent toujours dans une mémoire ancienne. Une mémoire qui s’est formée bien avant les mots, dans l’expérience vécue.
Et c’est là que Tao m’accompagne autrement.
Il me ramène à la simplicité. À cette part en moi qui ressent. Celle qui a encore besoin d’être accueillie, reconnue, aimée dans l’instant.
Tao, miroir vivant
Tao me montre ce que veut dire habiter la relation.
Il me rappelle qu’une émotion se traverse mieux quand un autre est là.
Il m’apprend que le lien juste s’ajuste. Qu’il se tisse par la présence et que, dans ce lien, l’humanité grandit.
Chiot ou enfant, adulte ou animal : nous sommes tous traversés par ce besoin d’un repère stable, d’un regard qui comprend, d’une présence qui accueille.

Si cette histoire vous a touché, si Tao a éveillé quelque chose en vous…Suivez-nous dans ses aventures. Chaque jour, il explore, il découvre, il grandit. Et à travers lui, c’est tout un chemin de relation qui se dessine.
Abonnez-vous au blog, laissez-vous inspirer par son évolution, observez comment il deviendra, pas à pas, un compagnon d’accompagnement relationnel.
Et peut-être, à travers ses élans, ses regards, ses gestes simples… vous découvrirez, vous aussi, de nouvelles façons d’être en lien.
Bienvenue dans l’univers de Tao. Un petit être. Un grand voyage. Une présence qui nous ramène à l’essentiel.
Mireille Magnée

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